Négocier avec un partenaire chinois (Part 02)

Publié le par Grégory

Suite de la première partie


Le lien personnel et la relation de confiance sont la clé de voûte de l'organisation sociale chinoise. Ils constituent en quelque sorte un contrepoids au système bureaucratique, dont le fonctionnement serait régulièrement bloqué si l'on ne pouvait s'affranchir de la rigidité des lignes hiérarchiques. Le cloisonnement des responsabilités est censé agir comme une arme efficace pour éviter les concentrations de pouvoirs, mais il multiplie aussi les lieux d'influence et favorise l'implication de multiples acteurs dans l'élaboration des décisions. D'où la nécessité de trouver des appuis en réseau si l'on veut s'informer des situations et pouvoir ainsi influer sur leur évolution.

 

Pour chaque Chinois, quelle que soit la position sociale occupée, la recherche d'appuis est presque une question de survie, les relations qui le protègent sont sa seconde peau.

 

Idéalement, ces liens de solidarité constituent la garantie de relations sociales paisibles, où l'intérêt de la société rejoint l'intérêt personnel, du fait des devoirs qu'elle impose à chacun vis-à-vis d'un cercle important de personnes (cercle familial, puis par extension tous ceux avec lesquels on peut arguer d'une communauté de liens, lieu d'origine, école, travail…). En période politique ou sociale troublée, ils favorisent évidemment l'amplitude du développement des phénomènes de corruption, comme c'est le cas aujourd'hui, mais ce serait commettre une lourde erreur que d'assimiler la place et le rôle traditionnel des réseaux de relation à ceux des circuits mafieux.

 

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Vivre en société en Chine, c'est accepter de s'inscrire dans des liens de dépendance et d'obligation mutuelles. Le réseau de relations (guanxi) que vous tisserez fera de vous un "obligeant" pour certains et un "obligé" pour d'autres. Qu'une société mettant au premier plan les devoirs sociaux et les liens de confiance interpersonnels au dépens des principes du droit et du régime des lois, renvoie en Occident l'image d'un environnement instable est aisément compréhensible. 

Là où le bât blesse, c'est que notre sentiment général d'insécurité se traduit fréquemment par de la méfiance à l'égard de chaque Chinois en particulier. L'importance que nous accordons au texte du contrat et l'énergie que nous dépensons dans la précision de sa rédaction prennent le pas sur les efforts de courtoisie, de convivialité et d'ouverture qu'il faut déployer inlassablement en Chine pour mériter la confiance de l'autre.

 

Car même si la Chine progresse en matière de sécurisation de l'environnement juridique pour répondre aux besoins de l'ouverture économique à l'étranger, il ne faut pas s'attendre à un bouleversement des mentalités. La Chine ne fait qu'emprunter des méthodes et des techniques de l'Occident pour les adapter librement à ses objectifs de développement. Une révolution vers "l'Etat de droit" signifierait pour la Chine une remise en cause de ses conceptions en matière de "gouvernementdes hommes" qui constituent le fondement et l'originalité de sa culture. La Chine fera donc de l'Etat de droit et du capitalisme, mais à son unique façon.

 

L'effort relationnel et la création du lien de confiance sont et resteront donc déterminants pour une négociation réussie, à défaut de quoi, les interlocuteurs chinois se sentiront toujours libres de toute véritable contrainte. Autrement dit, les "mauvais coups" seront bons non seulement en cours de négociation mais lors de l'application du contrat !

 

Les Chinois reprochent souvent aux négociateurs français d'être prétentieux, raisonneurs, pinailleurs, rigides, impulsifs et colériques. Dans le cas d'entreprises dirigées ou co-dirigées par des français, nous sommes perçus comme fantaisistes dans l'organisation et l'encadrement du travail, imprécis dans les directives et la définition des responsabilités, imprévisibles dans les actions… mais surtout comme de fameux manieurs de papier, de fax et de téléphone !

Mais ce ne sont pas les seules caractéristiques qui nous donnent l'occasion de faire "perdre la face" aux Chinois. Notre puissant sens hiérarchique nous fait souvent ignorer le rôle et les conseils des "petits". Nous le manifestons de multiples façons (souvent inconscientes) en négociation ; en écartant de fait du débat la majorité des participants, mais aussi en dédaignant toute rencontre qui ne soit pas aménagée à l'échelon le plus élevé.

 

Or en Chine, la solidité du lien hiérarchique est basée sur les liens d'interdépendance. "Qui que tu sois, où que tu te positionnes, on a besoin de toi". Cette reconnaissance que nourrit l'idée d'utilité sociale n'a rien de formel. Naturellement, tout Chinois sait d'où il parle et ce qui l'autorise à parler. Que l'on soit directeur, chef d'atelier, ouvrier ou chauffeur, il existe pour chacun un espace où les remarques et les conseils que l'on formule méritent la considération de tous. Celui qui l'oublie pourrait le payer cher : le pouvoir de nuisance ne dépend pas du rang que l'on occupe et un subalterne peut bloquer des situations et parfois créer plus de ravages qu'un personnage haut placé.

Dossier de la CCI Touraine





 

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Publié dans Culture Chinoise

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